Partie 1 — La rencontre
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Cela faisait quelques semaines que l'on échangeait plus intensément, Mathilde et moi. Nos discussions, d'abord ponctuelles, étaient devenues plus régulières, plus personnelles. Un mélange de légèreté complice et de sous-entendus bien dosés. Elle savait manier les mots, jouer avec les silences. Et moi, je me laissais prendre au jeu sans retenue.
Nous nous étions déjà croisés auparavant, dans un cadre plus formel. Un anniversaire commun, quelques verres échangés, des regards qui s'attardaient un peu trop longtemps pour que ce soit innocent. Mais cette fois, c'était différent. Cette fois, c'était elle qui m'avait proposé de nous voir, autour d'un verre. Juste nous deux.
Je suis arrivé en avance, comme souvent, une légère tension dans le ventre. J'avais choisi un petit bar tamisé du centre-ville, un endroit à l'ambiance feutrée, propice aux confidences et aux regards qui glissent. Je commande un verre de vin blanc, histoire de m'occuper les mains, et surtout de calmer un peu ce mélange d'excitation et de nervosité.
Puis je la vois arriver.
Elle pousse la porte, repère ma table et avance vers moi avec ce pas fluide, assuré, presque félin. Une robe noire simple, mais diablement efficace, qui épouse son corps avec une élégance provocante. Mathilde est brune, les cheveux détachés, légèrement ondulés, un visage délicat aux traits harmonieux. Mais ce sont ses yeux verts qui m'hypnotisent. Clairs, perçants. Ils sourient avant même que ses lèvres ne le fassent.
— « Tu m'attendais depuis longtemps ? » me glisse-t-elle en s'asseyant face à moi, dans un demi-sourire.
Je lui réponds que non, à peine quelques minutes, mais en vérité, j'étais déjà ailleurs depuis qu'elle avait franchi la porte.
On commande un deuxième verre. Puis un troisième. La conversation est fluide, naturelle. On parle de tout, mais surtout de rien. L'essentiel se passe ailleurs, dans les silences, les regards qui s'accrochent, les petits gestes anodins : sa main qui frôle la mienne en attrapant son verre, ses jambes croisées et décroisées lentement, son rire léger quand je la taquine.
À plusieurs reprises, nos regards se figent. Elle soutient le mien sans détourner les yeux. Il y a dans sa façon de me regarder une assurance troublante, presque déstabilisante. Comme si elle avait déjà décidé de la suite. Et moi, je me surprends à me laisser glisser dans ce scénario qu'elle semble écrire en silence.
La soirée s'étire. L'ambiance du bar change à mesure que l'heure tourne : moins de monde, une lumière plus douce, plus intime. Elle se rapproche un peu, ses jambes frôlent les miennes. Nos mains, maintenant, ne se contentent plus de se frôler par hasard. Elle les laisse s'attarder, elle les cherche. La tension est là, brûlante, palpable.
Puis elle me regarde, sérieusement, et me dit simplement :
⁃ Tu viens?
Epicurien
6206 km, Homme 31
publié il y a 16 jours
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